Cette année, Enrique voit grand. "Et si on faisait el Camino de la Plata avec mon chien ?". C'est que depuis la dernière fois, le gaillard est devenu papa d'un joli cavalier king charles de 7kg, qu'il faudra porter, nourrir... habiller. On ne déplace pas un Cavalier king charles sans son imper, sa casquette, ses lunettes de soleil, un collier lumineux, quelques jouets, un gps,... Des contraintes peut être pas très raisonnables sur un itinéraire de plus de 1000km.

Le camino de la plata est un chemin romain antique qui permettait de relier Gijon sur la côte nord de l'Espagne à Séville... Déjà c'est qu'il faut y aller à Gijon, puis en revenir. On elabore un plan complexe : Une première étape avec la voiture d'enrique pour rejoindre Tarragone, où vit sa mère (où l'on risque la mort par overdose de tortillas). Un passage par Madrid pour voir un match du Real (surdité permanente), pour prendre une voiture de loc pour Gijon (pendaison suite au paiement de la caution de malade), 900 bornes de vélo dans des montagnes (épuisement) puis des plaines espagnoles (déshydratation) et, une fois à Seville, rebelote pour revenir à Madrid et rentrer (pendaison, étouffement, overdose). Pas gagné.
La Mama d'Enrique, nous reçoit dans son petit appartement du 3ième à Tarragone. Depuis trois jours, elle stocke assez de nourriture pour un régiment, en prévision de notre arrivée.
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Le lieu est très vite envahi par notre matos, qu'elle nous somme de cadenasser... |
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A proximité d'une superbe plage, encore peu fréquentée à cette date |
Le lendemain, chargés de victuailles en tout genre, on prend la route pour Madrid. Enrique veut absolument assister à la finale de la ligue des champions entre Rrrrrrreal Madrid et Dortmund, dans une Peña (club de supporters). Malheureusement, tous ses appels pour réserver deux places resteront vains. Il me propose alors très naturellement d'aller au stade du Real pour voir le match.... sur grand écran, le match n'étant pas à domicile. Ils sont fou ces espagnols. Au final on se rabat sur un bar de banlieue blindé, affublé d'une tenue adéquate. Enfin lui. J'aime pas moi, les signes religieux ostentatoires.
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Stress d'avant match : "tu te rends compte si on perd, on ne sera QUE 14 fois champion, on risque de se faire rattraper par Milan (7 victoires) ou PIRE!!! par Barcelone (5 victoires)" |
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Remarquez le maillot jaune d'une courageuse supporter de Dortmund. Heureusement, ils ont perdu 2-0 (Dortmund) |
Dimanche, premiers tour de roue pour Cooki. On galère pour rejoindre l'aéroport depuis le parking longue durée sur des voie d'autoroute, à contresens, puis on stresse car la voiture de loc est interdite aux chien. On a eu beau lui dire que cooki n'est pas un chien mais le propre fils de Enrique, l'a pas eu l'air ému le loueur.
Mais on fini par arriver à Gijon en fin de journée. 3 jours de voyage. pas très rentable cette histoire
Et comme il est trop tard pour partir, on s'occupe en s'hydratant, en prévision de l'effort à venir.
Lundi on est chaud. Après deux heures de nettoyage des poils de Cooki, de l'intérieur de la voiture, au scotch américain, on a fini par rendre la maudite caisse.
Je nous ai concocté un petit itinéraire pour passer les premières difficultés en dehors de la nationale Oviedo - Leon. Il faut en effet traverser la Cordillera Cantabrica et les contreforts des fameux Picos de Europa par le puerto de los señales à 1625m. Il commence tranquille par une voie verte, mais très vite je m'aperçois que les petites bosses ridicules sur mon itinéraire sont en fait des murs de plus de 100m de dénivelé, à 12 ou 13% (Oups, c'est pour ça qu'il me disait qu'au total il y avait 2650m de dénivelé jusqu'au col :-) J'avais pas prévu et ça ne rassure pas E.
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En plus, mais ça c'était prévu, il faut se taper 50 km d'une espèce de vallée de Saint-Jean de Maurienne, voir de Livet-Gavet avant d'atteindre la montagne. |
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Laviana, première crevaison pour E, depuis qu'il a son vélo, soit 10 ans, heureusement près d'un bar. Dave est avec nous*. |
(*) Dave c'est notre saint-patron des cyclo à nous depuis plusieurs années. En cas de coup dur, on lui chante un petit cantique ("Vanina" par exemple, marche très bien en général)
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il nous a bien entendu encore une fois car on a trouvé un petit coin bien sympa dans cette vallée industrieuse |
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2ième jour de vélo : on attaque les difficultés |
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Le premier col de puerto Tarna est encore loin mais les températures sont correctes et le paysages s'enmontagnent. La montre connectée d'Enrique lui indique qu'il a consommé 5500 kcal hier. Du coup il passe comme il dit en mode propulsion nucléaire, çad un mix entre coca et aquarius (une boisson énergisante espagnole).
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le soir on se pose près du village de Tarna, au pied de la partie raide du col. Pas facile de trouver un bivouac, tout est clôturé.
Pour monter à la fraiche le lendemain, on se lève à 6h. En selle à 7h15. Le temps est parfait. Cooki porte élégamment son anorak (pour le froid). A l'assaut du dernier mur.
les dernières centaines de mètres sont avalés vite fait. Le paysage est grandiose, très ressemblant au Cantal, mais en plus grand et plus désertique.
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papa, fiston et tonton
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Le puerto de los señales s'atteint au bout de quelques km complémentaires. L'ambiance est fantastique.
Petite pause dans la descente pour câliner Cooki, un peu secoué dans son panier. Il commence à manifester un esprit de meute. Il hurle dès que je m'éloigne.
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Embalse de porma. un lac artificiel, mais de toute beauté |
De l'autre côté, la température monte régulièrement au fur et à mesure qu'on descend vers la plaine. jusqu'à devenir légèrement caniculaire. Fini le vert, les paysages jaunissent. On se pose en début d'après-midi pour laisser passer les heures chaudes. Notre plan est de nous rapprocher de Leon pour le visiter tôt le lendemain. Mauvaise pioche : les fermes se font plus denses et avec elles... les mouches, moucherons et moustiques. On écluse tous les emplacements repérés par satellite durant la pause, en vain.
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L'emplacement, quoique joli, est proche de la route. Vers 21h, il fait encore 32° dehors avec les mouches ou 45° dans la tente. On ne s'attarde pas. Le lendemain, on déboule sur Leon. |
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la ville est superbe, toute imprégnée du chemin de Saint-Jacques de Compostelle, dont on croise les pèlerins dans les ruelles encore endormies. Alors qu'en vélo on parcours facilement 70 à 80 km par jour, je mesure le courage qu'il faut pour affronter à pied ces plaines sans fin, durant des jours. |
Pour tenter de combler un peu notre retard, nous décidons de prendre la nationale N-630 qui relie, par 200 km de lignes droite, Leon à Zamora, puis Salamanca. Les fonds européens ont permis de construire des autoroutes. Les espagnols les ont posées à proximité immédiate des nationales. Conséquence : c'est dernières sont vides dès qu'on s'écarte un peu des villes. Vides, mais pas très intéressantes.
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Officiellement sur le camino de la plata
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Vers le soir nous nous arrêtons près de l'ermita de la Virgen de la Vega. Une très vielle église, un endroit plat et ombragé, un point d'eau : parfait pour la nuit.
Cooki s'habitue difficilement à son voyage. Il mange peu, voir pas et est un peu amorphe. Cette nuit il sera malade. Dans une tente de 2m2, je vous laisse imaginer le spectacle. Et pour rajouter au carnage, dans l'agitation, le matelas d'enrique crève sur la tranche (non réparable) .
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Inquiétude du maître au petit matin, pour son ptit "pepèèèèèère" |
Il y a un décathlon à Zamora, à 80km... si on prend la nationale. Il faudra ensuite sortir de la ville pour trouver un bivouac. La chaleur s'annonce forte et les lignes droites et le chien souffrant. Petite baisse de moral.
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On tente bien un petit passage sur le camino de la plata d'origine (piéton) que j'espérais pouvoir suivre en permanence, mais il est très peu roulant, et l'on se rapatrie vite sur le bitume. |
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Quelques beaux passages tout de même dans la journée |
On atteint le décathlon vers 20h30. Il restait un et un seul matelas (merci Dave). Un parc de la ville de Zamora semble pouvoir nous offrir un abri, mais trop peuplé. Finalement un second ermitage nous accueille (Ermita del Cristo del Valderrey) en bordure de la ville.
Une dernière journée chaude est annoncé par la météo espagnole avant des orages. Les même causes produisant les mêmes effets, on repart donc à l'aube pour éviter la chaleur, en direction de Salamanca.
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Zamora de madrugada |
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le temps se fait menaçant. Un nouvel ermitage nous tend son porche pour la sieste de mi-journée |
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Ermita de Nuestra Senora de los Remedios
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les cigognes nous observent depuis les toits |
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On a pris l'horaire espagnol. |
Un petit refroidissement annonce l'orage, qui pourtant ne vient pas. Cooki reprend des forces. Vers 18h il faut bien reprendre la route si on veut atteindre notre premier camping près de Salamanca.
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l'orage finit par éclater, on s'abrite dans une station service bienvenue |
Le camping de Salamanca, ne mérite pas de photo. Coincé entre plusieurs autoroutes, il est bruyant et uniquement fréquenté par des touristes de passage : quelques cyclo qu'on ne croisera pas, et des motards anglais dont l'un possède LA moto dont rêve E. Je les laisse débattre des caractéristiques physiques et métaphysiques de la bécane, pendant que je fais le "repas." C'est rapide : deux menus depuis le début de voyage, le midi on écluse les victuailles de la mère d'Enrique; et le soir pâtes ou soupe. Moi : "t'as le choix entre entre, petit A, des pâtes..." . Enrique : "petit B! petit B!"
Journée de visite de Salamanca qui est sûrement la plus belle ville que j'ai vue en Espagne.
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Toujours la coquille des pèlerins |
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La basilique |
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...et après les visites matutinales, arrêt sur la plazza mayor. E tient à me faire découvrir les patatas bravas qui, d'après lui, sont à l'Espagne ce que la poutine est au Québec et la frite andalouse fricadelle à la Belgique En vrai c'est bon, mais la fricadelle andalouse....
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puis on s'offre un restau de tapas pas dégeu, au nom typiquement espagnol, déniché par E qui s'avère exceptionnel. Le patron, par passion s'est fait tatouer légumes, volailles et même un cochon sur le bras.
Faut se rendre à l'évidence, Seville n'est pas à portée de vélo dans le temps qui nous reste, à moins de continuer sur la N-630 ce qui est hors de question. Nous décidons de bifurquer pour rejoindre Madrid par la région montagneuse d'Avilla. Moins de km, de lignes droites, plus de montées, plus de temps.
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Alba de Tormes |
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sur les plaines d'altitude avant Avila |
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La route redevient sublime |
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vers Pedraza de Alba |
Enrique s'est trompé à la sortie de notre pause "de midi" à 17h30 (on est à l'horaire espagnôle). Il s'en est aperçu quand il a vu que la distance pour Alaraz est passée de 16 à 28 km. Trop de bière sans doute.
J'ai le temps d'admirer l'église du petit village d'Alaraz et repérer notre prochain ermitage.
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El estupendo Ermita del Santisimo Cristo del Monte. Olé!
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L'endroit est encore une fois magnifique. L'ermitage est adossé on ne sait pourquoi à une arène de tauromachie. La nuit est froide, 4° au levé. Cookie se réfugie sous les duvets. Après des premiers jours difficiles, il s'est maintenant bien habitué au voyage et à retrouvé toute son énergie.
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Une journée tranquille essentiellement de montée (on repasse un col à 1300 et un autre à 1450) en direction d'Avila.
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Vers Gallegos de Sobrinos |
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Petite pensée pour José de los sessionnes musicales, dont c'est la région natale. |
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la région du granite vert. |
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Juste avant le col, vers Sanchorreja, on se pose à proximité d'un pré peuplé de taureaux patibulaires. On en mène pas large. S'agit pas de se perdre en allant pisser durant la nuit.
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12 juin, Avila. La ville est extraordinaire vue de l'extérieur, mais très décevante intra muros.
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Cooki est une star internationale. Pas moyen de s'arrêter sans qu'un attroupement se crée autour de lui : Que guapo!, que lindo!, guapissimo, etc... Je pense plutôt que les demoiselles n'étaient pas intéressées par la visite d'une cathédrale fort décevante. |
En sortie de ville on renonce à visiter le monastère de Saint Thomas
quand on apprend qu'il abrite la tombe de Torquemada, l'inquisiteur
le plus cruel d'Espagne. (En fait, on a préféré s'empiffrer d'un énorme
hamburger) Le départ est des plus laborieux.
Depuis Avila la circulation vers Madrid est largement plus importante. Arrivés au dernier col, on recherche vainement un coin pour poser la tente. Las, absolument tout est clôturé et on a pas envie de se retrouver dans un pré habité de taureaux. On se coltine 20 km supplémentaires. Jusqu'à voir une entrée défendue uniquement par un système de barres au sol. Pas très rassurés on se pose tout de même au milieu des prés
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mais l'endroit est somptueux
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sur la commune de Las Naval des Marques
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Il nous reste une petite étape pour rejoindre un camping pas loin du terminus du cercanillas, le RER espagnol. La perspective d'un camping pourri nous décide finalement de tirer directement jusqu'à Madrid, récupérer la voiture et de rentrer à Tarragone.
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Encore reçus comme des roi par la maman d'Enrique!
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Fin de ce périple Espagnol, un pays qui mérite vraiment de sortir des zones touristiques! Seul regret, mon espagnol que je pensais suffisant pour au moins tenir une petite conversation banale était juste déplorable. A ma décharge, les espagnols parlent à peu près 3000 fois plus vite que les sud américains. Hasta pronto !