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mercredi 26 juin 2019

La Sardaigne

On avait noté l’Irlande à notre agenda pour cette année 2019, préparé cape de pluie, imperméabilisé la tente, planifié moult itinéraires à travers le County Clare et le Kerry,  rêvé de Sheep's head walk, de Ballaghisheen pass, imaginé des orgies de pintes de bière noire sans bulles, des bivouacs humides dans la tourbe spongieuse ; puis galéré pour la réservation de ferries complets, aux horaires fantaisistes, craint les 1000 km de bagnole jusqu'à Roscoff, envisagé l'avion, mais non pas possible quoi, bref : Crisé. Jusqu'au soir où au bout de 2h de discussion  avec Enrique (et quelques bières), ma souris dérape sur gogolmap et tombe.... sur la Sardaigne.  Regards.  250km pour rejoindre Toulon, ferry à 50 € A/R, sandales contres chaussures, crème solaire contre veste goretex, chênes lièges contre fougères et vin à 16°contre bière à 4.  GO!

Et nous voila donc quelques semaines plus  tard, embarquant dans le ferry, au son de bella chao qu'Enrique passera en boucle durant tout le voyage et dont il trouvera probablement toutes les versions existantes.


Avec deux flippés du vol on cadenasse les sacoches et vélos, comme si un sac de couchage puant pouvait intéresser quelqu'un.  On ne se refait pas.
Puis on s'installe à la poupe du navire, en haut de l'escalier, enviés par des hordes de motards errants et non prévoyants, cherchant désespérément un endroit pour poser leur matelas.  Vue imprenable sur la mer et... vibrations moteur garantis.  Mais on s'en fiche, la bière est bonne.

Porto Torres, j'y pense et puis j'oublie.  C'est pas beau.  On déjeune express.  Ici, tremper son pain dans le café, c'est mission impossible. Enrique, qui aime son bol d'un demi-litre de café crème s'évertue à tenter toute la palette de la carte italienne.  En vain.  Il restera sur le finalement sur le cappucino. 


On dégage.  Dans la nuit on a affiné nos plans: ce sera le(s) train(s) pour Nuoro, pour commencer par la montagne.   La gare est complètement déserte, pas âme qui vive.  On comprend vaguement qu'un train devrait passer vers Sassari, où l'on espère en savoir plus.




A l'arrêt du vieux tromblon, on se pointe la bouche en cœur devant une contrôleuse à la mine sombre qui nous fait signe d'une main péremptoire que ce n'est pas possible d'embarquer nos vélos.   Enrique tente un "per favooooreee" déchirant et il faut croire très inspiré, car miracle, elle nous laisse monter, nous prend nos cartes d'identité, et se casse en maugréant.  Au bout de quelques longues minutes, elle revient avec des billets pour Macomer: le vélo est au même prix que le bonhomme. Elle finira quand même par s'adoucir un peu et nous indiquera la voie pour le changement de Sassari.


A Macomer, il faut changer de gare et de compagnie.  On ne fait pas un pas dans la gare avant de se faire alpaguer par un énergumène agité nommé Octavio qui tient absolument (et le mot est faible) à nous payer un verre sous l’œil désapprobateur du barman qui n'aime pas voir nos vélo encombrer son bar.  Le gars Octavio, il doit avoir dans les 70 ans.  Petit et trapu, il a la gouaille d'un vendeur du téléachat.  Il rentre chez lui avec une espèce de Castafiore, croulant sous les bijoux qu'il a rencontré un mois avant et qu'il pense épouser rapidement.  Au bout d'une demi-heure on est épuisés : on sait tout, ses maisons, son salaire, ses boulots, celui de sa fille,...  Il nous quitte en nous laissant son numéro et nous faisant promettre de l'appeler en cas de problème, où qu'on soit.

Le dernier tronçon pour Nuoro a été payé par l'Europe (le nom de certaines gares allemandes apparaissent sur les afficheurs du train).  Il est moderne, climatisé, à l'heure, muni de deux contrôleurs et d'un chauffeur et surtout complètement vide.

Notre première après midi de vélo se déroule sans encombre.  Mais Laurent (coucou!!) (qui est passé par là quelques semaines avant) avait raison : TOUT est clôturé, grillagé. En fin de journée, j'arrête un berger qui sort ses brebis de son pré et lui débite la phrase apprise par cœur "possiamo acamparci enel campo, per favooooree" (on a compris que c'est important d'insister sur la fin) :  Et tout de suite les visages s'illuminent et nous recevons un accueil incroyable.  Il nous accompagne pour nous proposer un coin de son champ, s'inquiète de nous trouver de l'eau.  On se pose donc dans un bel endroit ombragé et vert pour un premier bivouac sympathique.  Le problème c'est qu'il nous laisse aussi son chien qui lui nous embêtera une partie de la nuit.
la vie coule paisiblement dans ces petits villages : deux cyclistes le même jour, un événement!

sieste au frais


Durant les deux jours qui suivent on tire plein sud à travers les montagnes du centre de l'île, en passant à proximité des sommets et ses stations de ski.  La température est clémente, on se régale.  
Un fermier à qui on a demandé de camper nous invitera, à prendre à manger, prendre le café, dormir chez lui, puis appellera son cousin vivant en Espagne et le passera sans préambule à Enrique.  Les sardes sont extrêmement accueillants!
La température augmentant, on fonce vers la côte par une "jaune", route relativement passante et très chaude que tout cycliste essaie d'éviter. Un petit coup de train pour contourner une partie plate et peuplée vers Carbonia, un ferry plus tard et nous voila sur l'île de San Pietro.
Et là c'était épatant.
Le rêve : plage déserte, couché du soleil, pasta barilla et bières fraiches


plage la caletta


phare du capo sandalo

Enrique bénissant la bouteille de coca que j'avais oubliée dans mes sacoches, après une côte à 8%.  Deux jours plus tard on fera du 13%.
L'île est superbe.  Tranquille. Sans doute parce qu'on est encore en juin.  On en fera le tour sur deux jours peinards.


Carloforte, la petite ville de l'île est très belle, avec ses façades colorées.

Ca frotte!  Et ça il n'aime pas le gars.
De retour sur le "continent", on entame une remontée de la côte ouest en prenant au plus près de la côte. Les falaises et petites criques se succèdent.  Après la fameuse mine de porto Flavia qui donne sur la mer et qu'on laissera aux centaines de GS1200 qui sillonnent cette partie de l'île, la route se vident et pour cause : elle devient une piste avec quelques gués faciles.  On passe par de belles plages (cala domestica, picinas).  On rencontre Aude (coucou si tu nous lis), habituée des voyages à vélo ("un coup de pédale dans la botte") qui a laissé pour un jour son compagnon de voyage avec lequel elle ne semble pas s'entendre des masses.  Elle voyage léger, avec un seul sac, sans tente... et avance beaucoup plus vite que nous (et les sacoches n'y sont pas pour grand chose ;-)).  On passe ensemble la partie la plus chaude de la journée sur la plage.  Elle continuera son étape tard dans la soirée pour rejoindre son espagnol.

Après cette côte sous le cagnard, Enrique ne se plaindra plus jamais d'un petit 5%

deux mendiants sur une plage.  Mais nous on peut se faire une petite paella en milieu d'après midi

cala domestica
la partie en piste après piscinas

Bivouac de rêve... quand il n'y a pas d'orage



A porto palma, on trouve un BIVOUAC DE MALADE.  Perché sur un éperon rocheux, sous la protection d'une statue de la vierge qui donne à l'endroit une touche mystérieuse. La soirée est grandiose. La nuit commence bien, mais à 3h du matin, l'orage se met à gronder.  L'obscurité aidant, les images de la vierge des grandes Jorasses, régulièrement foudroyée s'imposent à moi : j'imagine tout de suite le pire.  Je contrains donc le pauvre Enrique qui tente de me rassurer en comptant les secondes entre l'éclair et le tonnerre, à un déménagement fissa vers le village situé à quelques centaines de mètres.  On finira la nuit, la tente coincée entre un chemin et le mur d'un restaurant, avec le bourdonnement d'une clim et les moustiques. L'orage lui, s'éloignera tranquillement.


Au petit jour, on traverse le pont de Marceddi, qui n'est pas indiqué sur ma carte et à peine sur google.
Le temps est encore orageux et la lumière splendide.  On remonte à travers de riches exploitations vers Oristano.

le petit port de marceddi

bivouac de plage près de saint archittu.  Il pleuvra une partie de la nuit.
Les abords des grandes villes sont rarement jolis.  A Oristano, comme partout en Sardaigne ce sont des espèces de nationales ++  avec des sorties en forme d'échangeur d'autoroute.  Alors que nous faisons le point pour savoir quelle branche emprunter, un policier s'approche et nous dit en souriant : "brutta posizione".  Enrique : "Brutta brutta ?". Le policier : "bruttisima".  Depuis le qualificatif est entré dans notre vocabulaire. 

Après Bosa, le coin de plage qu'on visait est occupé par des motocross.  On continue donc pour tomber par hasard sur la casa del vento.  Espèce de restau-camping dans un endroit magique, ou le chic de la partie restau côtoie un espèce bric à brac incroyable à la limite de la décharge sauvage (que je vous épargne).  On gardera en tête l'emplacement de rêve de la tente et une orgie de ravioli pesto préparé sur le réchaud ...


La dernière partie de côte entre Bosa et Alghero est splendide bien que la mer soit un peu plus distante et sans trop de possibilité de se baigner. Sur le chemin, on manque de se faire renverser  affectueusement par le suisse en camping-car que nous avions rencontré la veille. 
Alghero est sans conteste la plus belle ville que nous ayons vue (mais on a pas tout vu bien sûr), mais  aussi la plus touristique et elle est assez huppée.  Ici, chemise blanche et pantalon de toile chic décontracté de rigueur.  Autant dire qu'au bout de 10 jours de vélo, avec nos t-shirt (un peu) dégueu, shorts et sandales à l'allemande : on existait pas :-)  L'année prochaine on s'équipe.
"ici on sert LA meilleure glace à la pistache DU MONDE" - Enrique


La dernière étape pour rejoindre Porto Torres ne sera pas la meilleure, la nationale est chargée, et on fera au plus vite.  On passera l'après midi en terrasse à s'enfiler des demi de ichnusa, la bière sarde en attendant le bateau.
Ajaccio de nuit

"brutta posizione".  moins de chance ce coup-ci, pas d'escalier sur la mer.
La sardaigne, une très belle destination pour le vélo!  Foncez-z'y


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